Dans son nouvel album, l’interminable Rudebox, Robbie Williams vénère la Ciccone et drague les jeunes. Un peu poussif… A sauver: la reprise de Bongo Bong de Manu Chao.
Cet été, au Stade de Suisse à Berne, Robbie Williams avait fièrement exposé au regard de la foule un survêtement de sport blanc et flambant neuf. Le message était clair: primo, le jeune trentenaire n'allait pas se contenter d'un sprint fulgurant dans le show-biz (50 millions d'albums vendus…) mais était parti pour une course de fond (Frank Sinatra en modèle secret?); secundo, les gamins du rap qui ne jurent que par les biscotos du prof de gym 50 Cent allaient avoir de ses nouvelles; et, tertio, le king de la pop anglaise avait signé un coquelet contrat avec une marque de produit sportif au montant pourtant non spécifié pendant le concert… Finalement rien que de très normal pour un fan de foot déclaré de longue date.
La donne se vérifie ces jours avec la sortie de son nouvel album studio, Rudebox, dont le single du même nom qui ouvre cette interminable collection de seize titres sans génie vaut toutefois mieux que ce qu'en avait laissé présager le live. Pour se donner un coup de jeune et donc taper dans les charts que font et défont les cours de récréation, Robbie ne mise pas tant sur le rap, comme l'ont relevé la plupart des observateurs, que sur sa version britannique, le «geezer garage» immortalisé par The Streets (le titre Good Doctor ), voire même sur des variantes plus anciennes, mais mieux connues par l'ancien Take That, que l'on fera remonter aux Happy Mondays ou plutôt à Stereo MC's ( Rudebox ou Keep On ).
Pas sûr que ce rajeunissement intempestif révolutionne le marché de la sonnerie de téléphone. Les petits jeunes fans de Mr Williams peuvent déjà avoir pris quelques rides. D'où l'idée de taper à tous les étages de la pyramide des âges, tentative de rivaliser avec les succès universalistes d'une Madonna, à laquelle il dédie d'ailleurs une chanson semi-ironique, She's Madonna. Robbie Williams, une Madonna avec des poils? Pour les poils, c'est OK. Pour ce qui est de la science pop, il ne suffit pas d'appeler au secours William Orbit, l'ex-producteur de la Madone. On a beau ne pas être un inconditionnel de la Ciccone, les incursions dance de Robbie semblent plus souvent mitonnées pour faire remuer les popotins de l'Eurovision (Kiss Me) que pour rivaliser avec Hung Up… Même s'il la cite encore dans The Actor, Madonna a encore une belle longueur d'avance – mais peut-être ne s'agit-il qu'une proposition masquée? A quand un duo entre Robbie et Louise?
Pour élargir le marché au public gay, Rudebox se fend également de plusieurs collaborations avec les Pet Shop Boys, que les amateurs apprécieront à leur juste valeur en taux de vaseline sonore… L'enfer est parfois crémeux. Ajoutez encore quelques tentatives de verser dans la pop sentimentale (l'insipide Louise, encore une allusion à la Madone?) et vous commencerez à vous demander pourquoi se farcir les 75 minutes de cette boîte effectivement assez rude pour les oreilles, que l'album de Lily Allen (d'ailleurs aux backing vocals sur quelques titres) enfonce allègrement en cette rentrée pop. La réponse tient en deux mots: Bongo Bong, reprise du fameux titre de Manu Chao qui va pouvoir se payer un nouveau loft à Barcelone avec les royalties que Robbie va gracieusement lui faire gagner sur le marché anglo-saxon.
Robbie Williams, Rudebox, Chrysalis (distr. EMI).