Article paru dans Le Monde du 24 juin :
Dans le cadre intime du music-hall du boulevard des Capucines, l'ancien chanteur de Take That fait, du rap au swing, la démonstration de la richesse de son talent.
Dans le jargon des organisateurs de concerts, le "warm up concert" désigne, reprenant le terme utilisé dans les compétitions de formule 1, le tour de chauffe, le premier concert avant d'embarquer pour plusieurs semaines de tournée.
Dimanche 22 juin, à l'Olympia, c'est donc warm up pour Robbie Williams.
A l'entrée de la salle parisienne, filles et garçons, adolescents et étudiants pour la plupart, ont repéré la voiture qui amène le chanteur britannique jusqu'aux coulisses. Première clameur, avant de s'installer, plutôt sagement, dans la fosse. Quelques parents accompagnateurs et attentionnés rejoignent le poulailler.
Un tour de chauffe comme celui-là va laisser des souvenirs. On pourra d'abord constater de près - ce que la tournée européenne des grandes salles et des stades jusqu'à mi-août rend plus difficile - que Robbie Williams est indéniablement un beau mec. Un rien l'habille, ses tatouages, une cravate blanche sur un débardeur noir échancré. Surtout, le confort acoustique de l'Olympia permet de bénéficier de la puissance et de la justesse d'une voix devenue en quelques années l'une des plus prenantes de la pop rock actuelle.
De Let me Entertain you, manière de bien afficher que tout ce qui va suivre relève clairement du divertissement musical - de grande qualité - à Angels, tube mondial et déclencheur, Robbie Williams conduit un show impeccable - l'orchestre a de l'allant avec ses cuivres, claviers, guitares, choristes et percussions -, maniant la dérision, parfois le sarcasme et laissant filer une émotion généreuse qui évite d'assister à une mécanique trop parfaite.
La scène est à l'évidence le lieu de son épanouissement, le lieu aussi où s'affrontent Docteur Williams et Mister Robbie. Entre deux chansons, il est d'un même élan, poseur dédaigneux et gentleman, cinglant quand un cri l'interrompt et emporté par un désir ardent de donner son meilleur, pas dupe de son rôle dans le cirque cynique du show-business et fier de brandir la certification platine (300 000 disques vendus) de son nouvel album, Escapology, en France. Tendre crooner et rocker jusqu'au-boutiste, l'ancien membre du boys band Take That, qu'il quitta, en 1995, en pleine gloire, dégoûté de son statut d'idole de la variété pop guimauve, accroche avec des hymnes rock et des ballades sensibles.
Il y a, dans les chansons de ce trentenaire à l'allure crâne, des mélodies flamboyantes telles que le groupe Oasis les a empruntées aux Beatles (Strong, Come Undone, Feel), d'autres touchantes telles qu'Elton John était capable d'en magnifier dans les années 1970 (Angels). On perçoit aussi certaines sophistications de David Bowie (No Regrets) et l'envie d'envolées hollywoodiennes (Millenium).
Et puis les écarts d'une déglingue disco-funk (Rock The DJ), une virée dans l'Amérique tex-mex (Me and My Monkey), le rap, qu'il manie mieux que le tout-venant du genre, la danse électronique (Kids).
Il revient aussi vers les standards swing de Frank Sinatra, dont il a repris plusieurs thèmes en grand orchestre jazz et cordes. Le poing levé, conquérant, l'icône Robbie Williams est aussi un sacré grand artiste.
Sylvain Siclier