Plus que jamais angélique et démoniaque, Robbie Williams revient à la scène avec un Intensive Care dont il serait assurément périlleux que de nous en dispenser !
Je ne me l’explique pas, non. Comment est-ce qu’un homme dont les moeurs semblent si éloignées de la plupart de nous peut-il jouir d’un tel capital sympathie ? On a eu beau nous assener pendant toute notre enfance le sempiternel "faute avouée, faute à moitié pardonnée", est-ce que cela faisait de nous des garnements dont les murs de la chambre n’étaient, non plus dégradés par des dessins amorphes, mais par une fresque tout à fait prometteuse quant à nos prédispositions artistiques. Eh bien, c’est un peu la même avec Robbie : à faire amende honorable de ses péchés -et là, il ne s’agit plus de gribouillages au feutre indélébile mais d’excès tout à fait illicites, il en est devenu attachant. Au point qu’on pourrait presque lui faire passer -pour une erreur de jeunesse- un album qui pécherait par manque de consistance. Mais voilà, Robbie Williams ce même jeune homme qui se déhanchait grimmé en pompier dix ans plus tôt sur des chorégraphies douteuses et devant un parterre d’adolescentes au bord de l’apoplexie a tout -absolument tout- de la rock star qu’il se voyait être à l’époque de Take That. La relation ambigüe que l’artiste reconnaissait entretenir dans "Feel" -(auto)biographie événement qui lui était consacrée l’an dernier, avec les anti-dépresseurs- ne peut seule justifier un résulat si maîtrisé abondant de références lesquelles convergent ouvertement vers la new wave, genre cher à la star.
Guy Chambers rendu coupable de quelques infidélités passé le redoutable cap des 7 ans de cheminement, c’est avec Stephen Duffy plus ou moins convaincant en tant que membre du groupe pop 80’s The Lilac Time que Robbie Williams s’acoquine pour le pire mais surtout le meilleur. "Tripping" en tant que premier échantillon de cette collaboration artiste/producteur (engagée sur l’inédit qu’était "Radio") nous proposait déjà un voyage psychadélique sur des arrangements reggae où la mise en scène video singeait les codes des cauchemars propres à tout un chacun et manifestement aussi à un artiste multi-millionnaires (du contrat mirobolant -120 millions dit-on, pour 6 albums- le liant à la major Emi) : des escaliers qu’on ne parvient pas à gravir aux objets et distances qui n’ont plus les proportions qu’on leur connaît... l’angoisse de ne pas accomplir le dessein qui est le sien est palpable.
Ainsi, c’est un homme -certes, pétri d’assurance- mais aussi de doutes que l’on retrouve sur ce huitième album recélant de tubes au moins aussi sens-ationnels que "Feel", ballade qui avait porté son précédent album studio. "Intensive care" pourra surprendre par la mélancolie qui s’en dégage, d’autant qu’on sait qu’elle lui a été soufflée par "Louise", morceau du groupe Human League contant la rencontre fortuite de deux anciens amants. Adoptant le point de vue de la jeune femme ( !) sur le titre "Ghosts", Robbie déstabilise, froisse ce que l’on pouvait avoir d’a priori et s’en amuse ne cherchant pas à dissimuler ses intentions : ’Oui, certaines chansons sont destinées à faire pleurer’.
Fin septembre, c’est à quelques privilégiés dans un Bataclan néanmoins comble et devant ses parents, tout aussi en joie, qu’il présentait sa nouvelle livraison. Conscient que la majorité attendait surtout de lui ses succès passés encore si présents dans leur coeur, l’artiste donnait par moments l’impression de s’excuser quand il s’agissait d’interpréter un "Spread your wings", un "Make me pure" encore inconnus et pourtant bouleversants de justesse. ’Moi aussi, j’ai peur d’avoir l’air idiot, mais j’accepte ce risque pour distraire les autres’ confiait-il... finalement, c’est bien à un grand enfant (un peu gâté) comme pris de vertige par les différentes options qui s’offraient à lui que nous avons affaire et lui, de défaire sciemment chacune de nos émotions et aversions nouées là, à l’intérieur.
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